Les 100 ans de la Fédération des Eclaireuses Suisses (FESes)

01.01.2019
Rédigé par : Sandra Maissen / Cosinus, ancienne présidente du MSdS (1999–2003)
Publié : 12. janvier 2025

Un mouvement qui a contribué de manière essentielle au développement de la condition des femmes en Suisse. 

En Suisse, à partir de 1913, plusieurs associations de jeunes filles indépendantes les unes des autres, toutes basées sur les écrits de Baden-Powell, ont vu le jour. En juin 1917, une première discussion entre les associations de jeunes filles a eu lieu à Lausanne. Il s’agissait de déterminer ce qui devait être défini comme réellement commun dans les statuts afin de permettre un rapprochement. Toutes étaient d’accord sur le fait que le cadre devait être le plus large possible, afin que les différents membres puissent s’intégrer sans avoir le sentiment qu’on leur impose ou supprime des choses essentielles. Les résultats des discussions approfondies ont été consignés dans un cahier. De nombreuses pages ont été laissées vierges pour l’expression des opinions de chacune et le cahier a été envoyé en tournée de ville en ville, ce qui a duré près d’un an et demi. Les pages blanches se sont remplies et les critiques étaient nombreuses. Avec une confiance admirable, la responsable a envoyé une nouvelle fois le cahier en circulation et a demandé à toutes les personnes concernées de lui faire part de leurs suggestions sur la manière de parvenir à un accord malgré les divergences d’opinion.

 

Fondation et consolidation 

Le 5/6 octobre 1919, neuf associations de jeunes filles (Bâle, Berne, Genève, Lausanne, Le Locle, Neuchâtel, Villeneuve et Winterthour ; Zurich s’était excusé) ont fondé la Fédération des Eclaireuses Suisses. Pendant une cinquantaine d’années, des femmes de Suisse romande ont dirigé la Fédération : après Yvonne Achard, de Genève, c’est Thérèse Ernst, originaire du canton de Vaud, qui l’a dirigée durant vingt ans. Elle a assumé la difficile tâche de diriger le navire scout suisse à travers les périodes de guerre. Puis, en 1957, cette dernière a confié les rênes à la Genevoise Perle Bugnion-Secrétan, qui représentait depuis 1950 lAlliance mondiale des éclaireuses à lONU à Genève. En 1967, Blanche Bachmann – de Mariniac a pris le relais pendant quatre ans, avant que la Glaronaise Sibylle Kindlimann noccupe la fonction de cheffe fédérale de 1971 à 1979, puis celle de présidente jusquen 1983. De 1979 à 1984, Claire Renggli, de Saint-Gall, a été la responsable fédérale. Elle a été suivie par Verena Schär, Thurgovie / Berne, qui a été la dernière dirigeante fédérale de la FESes, puis la première du MSdS (19841989). La dernière présidente de la FESes avant la fusion a été Marianne Rindlisbacher de Berne à partir de 1983. 

 

La revue officielle « Trèfle rouge et blanc » est apparue en 1922. En 1928, la FESes a participé comme membre fondateur à la création de l’Association mondiale des guides et éclaireuses. En vue de l’entrée dans l’Alliance mondiale, la loi et l’insigne ont dû être modifiés pour devenir le trèfle rouge et blanc. Parallèlement, la promesse a été intégrée dans les Statuts. Un aspect important des relations internationales de la FESes était le « Our Chalet » à Adelboden. Mme J. Storrow, une Américaine, fit don à l’Alliance mondiale des éclaireuses de ce centre destiné à propager l’idée du scoutisme et la bonne volonté entre les peuples. En 1932, le chalet fut le premier des quatre centres mondiaux des éclaireuses à ouvrir ses portes et fut dirigé pendant les 20 premières années par la Suissesse « Falk » (Ida von Herrenschwanden). Des examens (aspirantes, première et deuxième classe) ont également été mis en place afin d’unifier le travail des différents groupes.

 

Pendant la période de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs groupes ont organisé des camps de service à la patrie et, avec l’aide de la Croix Rouge, des camps de repos pour les enfants victimes du conflit. Dès l’âge de 18 ans, les éclaireuses qui s’engageaient comme éclaireuses de la Croix Rouge découvraient un champ d’activité très vaste. A la fin de l’année 1944, à l’occasion des 25 ans de sa création, la FESes était composée de 131 groupes, avec 8’109 membres au total. En 1957, elle comptait déjà près de 11 000 membres actifs.

 

Les femmes assument des responsabilités 

La formation des responsables représentait l’un des plus grands défis de la FESes. Des conseillères suisses étaient à disposition des jeunes responsables pour les assister. Les camps suisses de formation, ainsi que les rencontres nationales sont devenus une tradition : ils répondaient à un besoin et permettaient aux jeunes femmes responsables à partir de 17 ans de participer à un processus démocratique, ce qui était exceptionnel pour l’époque ! Selon le principe « les jeunes dirigent les jeunes », on a délibérément confié très tôt des responsabilités aux jeunes responsables. Les jeunes femmes ont ainsi pu prendre confiance en leurs propres capacités.

 

Lors du premier camp fédéral, 6300 éclaireuses provenant de 28 pays différents se sont rassemblées dans les dix villages du camp, à Goms, pour rendre honneur au 100e anniversaire du fondateur. En 1969, à loccasion de ses 50 ans dexistence, la FESes a organisé un camp fédéral de jubilé dans le Val Blenio. – Lexcédent du camp de Goms fut investi à la fin des années 50 dans un camp et un centre de formation dans le Val Calanca. Cest là quallaient désormais se dérouler chaque été (jusquen 1987) les camps de formation nationaux des éclaireuses suisses. La FESes, en tant quorganisation exclusivement féminine, offrait aux jeunes femmes la possibilité dassumer des responsabilités, de diriger des groupes, datteindre des objectifs communs, de se former spécifiquement et déchanger, même au niveau international, à une époque où lon ne croyait guère en elles ailleurs. Il nest donc pas étonnant quà cette époque, de nombreuses scoutes se soient engagées pour lamélioration du statut des femmes, lintroduction du droit de vote des femmes et légalité des sexes. Perle Bugnion-Secrétan sest ainsi engagée, entre autres, pour le mensuel « féministe Femmes suisses ». Les scoutes ont fourni la première présidente de la Communauté suisse des associations de jeunesse (CSAJ) ; la première directrice dun gymnase à Zurich, etc. La première conseillère fédérale (1984-1989) était une éclaireuse, tout comme la première présidente du Conseil des Etats, Josi Meier de Lucerne (1992). Parmi les premières femmes politiques qui ont été particulièrement observées par le public, il y avait beaucoup d(anciennes) éclaireuses. Au sein de la FESes, elles avaient eu la possibilité – sans linfluence des hommes – de sexercer à la prise de responsabilités. 

 

La fusion avec les Eclaireurs 

A la fin des années septante, la question de la fusion des deux Fédérations scoutes s’est posée. Du point de vue de la FESes, il était important que la première approche mutuelle se fasse dans le cadre d’un projet global. C’est ainsi que le camp fédéral de 1980 dans la région de Gruyères a été organisé par les deux parties. En 1982, la FESes et les Eclaireurs ont conclu un accord de collaboration, ont désigné chacun leurs 10 représentants au sein de la commission de fusion et ont entamé des négociations de fusion. Pour la FESes, il était d’une importance capitale qu’un mouvement fusionné garantisse que les femmes y soient traitées de manière égale aux hommes, d’une part, et, d’autre part, qu’un nombre équivalent de postes de direction leur soit assuré. Ainsi, les statuts prévoient que toutes les fonctions importantes (par exemple la présidence, les responsables fédéraux, les responsables cantonaux etc.) soient doublement occupées ; concernant l’équilibre des sexes et des langues, ils fixent la « règle du tiers ». Les « paquets fusion » ont été vivement discutés au sein des deux Fédérations. La coopération a été pratiquée dans un nombre croissant de domaines, tels que la formation, la revue, les groupes de travail communs, etc. et de nombreuses expériences utiles ont été acquises. La pression des groupes au niveau national pour fusionner a augmenté. Mais cela avec la liberté explicite pour les groupes de continuer à fonctionner eux-mêmes de manière séparée ou en collaboration. En mai 1987, à Lucerne, ces anciennes fédérations ont été dissoutes et le Mouvement Scout de Suisse a vu le jour. C’est la plus grande association de jeunesse en Suisse, comptant environ 60 000 membres à cette époque-là. La Commission fédérale pour les questions féminines avait félicité le MSdS pour ses Statuts exemplaires à la fin des années 80. – Mais les demandes de la FESes ont-elles vraiment été intégrées au sein du MSdS ? Elles restent un défi à relever : toutefois, le dédoublement des fonctions importantes a passé dans l’ADN du MSdS ; de même, la prise de conscience qu’il est fondamental que des personnes des quatre coins du pays s’engagent au niveau national ; enfin, la participation démocratique va de soi au sein du mouvement.

 

L’engagement international dans les deux associations mondiales de scoutisme et dans les projets de partenariat joue toujours un rôle et les préoccupations scoutes dans la politique de la jeunesse continuent d’être défendues. D’autres camps fédéraux ont eu lieu en 1994 et 2008 ; le prochain, qui aura lieu en 2021 à Goms, est en cours de planification. Enfin, la formation cantonale et fédérale des nombreux jeunes responsables bénévoles joue également un rôle décisif. En 2018, le MSdS comptait environ 47’000 membres actifs (environ 26’000 garçons, environ 21’000 filles), ce qui en fait toujours la plus grande association de jeunesse de Suisse. Dans l’ensemble, le MSdS a pris soin des acquis de la fusion au cours des 30 dernières années et fait bien de continuer à s’y efforcer à l’avenir. Félicitons donc fièrement la FESes pour son 100ème anniversaire !

Le conseil de la fondation

  • Hans Rudolf Bachmann, licencié en sciences politiques, conseiller d’entreprise, Bâle (président d’honneur)
  • Bettina Beck*, docteur en droit, avocate, Berne
  • Christophe Darbellay, Conseiller d’État, Martigny- Combe
  • Leo Gärtner, dipl. Ing. EPF, Bâle
  • Maya Graf, agricultrice bio, conseillère aux États, Sissach
  • Willi Haag, ancien conseiller d’État, Saint-Gall
  • Walter Hofstetter, Directeur, Lucerne
  • David Jenny, docteur en droit, avocat, député, Bâle
  • Bruno Lötscher*, licencié en droit, ancien président du tribunal civil, député, Bâle
  • Beat Rieder, avocat, conseiller aux Etats, Wiler (Lötschen)
  • Maja Riniker, conseillère nationale, Suhr
  • Thomas Rutishauser*, directeur général, Liestal
  • Franziska Ryser, conseillère nationale, Saint-Gall
  • Claude Scharowski*, expert financier, Bâle
  • Ursula Schneider Schüttel, avocate, ancienne conseillère nationale, Morat
  • Thomas Staehelin, docteur en droit, avocat, Bâle
  • Christine Stämpfli-Althaus*, enseignante, Oberwil BL
  • Rolf Steiner*, Dr sc. nat., ancien député cantonal, Dietikon
  • Hans Stöckli, avocat, ancien conseiller aux États, Bienne

* Membres du comité exécutif